Ce n’est pas forcément la raison première qui motive les touristes à venir à Prague. Pourtant, c’est un secret de polichinelle : Prague est l’une des villes d’Europe les plus réputées pour l’opéra. La République tchèque compte d’immenses compositeurs, même si tous ne sont pas aussi connus que le principal d’entre eux : Antonín Dvořák (enterré à Prague).
Dans cet article, je vous raconte ma découverte des trois opéras de Prague lors de mon séjour dans la capitale de la République tchèque. Vous découvrirez l’architecture impressionnante de l’Opéra d’État, du Théâtre des États, puis de l’important Théâtre National, cher au cœur des Praguois.
Sommaire de l’article :
Les trois grands opéras de Prague
Prague est souvent surnommée la « ville aux cent clochers ». Mais la capitale de la République tchèque est aussi un havre pour les amateurs de musique classique. En effet, Prague a notamment accueillis de grands compositeurs célèbres, comme Wolfgang Amadeus Mozart ou Antonín Dvořák.
La musique classique fait partie intégrante de la culture praguoise, et cette tradition se perpétue à travers ses opéras majestueux et ses salles de concert renommées. Parmi ces opéras (par ordre chronologique) :
- le Théâtre des États (Stavovské divadlo) : c’est le plus ancien théâtre d’opéra de Prague, construit en 1781 et inauguré le 21 avril 1783. Ce théâtre historique est célèbre pour avoir accueilli la première de Don Giovanni de Mozart en 1787, sous la direction du compositeur lui-même.
- le Théâtre National (Národní divadlo) : symbole de la renaissance nationale tchèque, le Théâtre National est un joyau architectural et culturel. Sa construction a débuté en 1867, mais il n’a été inauguré qu’en 1881 : une histoire rocambolesque que je vous raconte dans la suite de cet article !
- l’Opéra d’État de Prague (Státní opera) : situé dans un magnifique bâtiment de style néo-Renaissance, l’Opéra d’État de Prague est le plus « récent » des trois grandes scènes d’opéra de la ville. Le bâtiment a été construit à partir de 1886 avant d’être inauguré le 5 janvier 1888.
Les billets pour assister à un opéra à Prague sont plutôt bons marchés (ce qui n’empêche pas les prestations d’être de très belle qualité !). J’ai donc saisi l’occasion pour transformer un long week-end à Prague en marathon des opéras, avec un opéra différent découvert chaque soir !…
L’Opéra d’État de Prague : pour un doublé avec Platée et Nabucco
Pour ma première soirée d’opéra à Prague, direction l’opéra d’État de Prague, le plus grand opéra de Prague. Il a ouvert ses portes en 1888 sous le nom de Théâtre Allemand. Le théâtre d’opéra a été conçu par les architectes viennois Fellner et Helmer, à une époque où l’art et la culture étaient des vecteurs de prestige national. Avec ses colonnes majestueuses, ses fresques élégantes et son auditorium orné de dorures, l’opéra reflète un souci du détail propre à l’esthétique du 19e siècle.
Le bâtiment a changé de nom et de fonction plusieurs fois au cours de son histoire, témoignage des bouleversements politiques de l’époque. Il devient l’Opéra d’État après la Seconde Guerre mondiale, symbolisant ainsi la renaissance culturelle tchèque.
Ce soir-là, l’opéra français (et la scène baroque) sont mis à l’honneur dans le plus grand opéra de Prague, avec une représentation de Platée.
Platée, opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, est une comédie lyrique en trois actes, empreinte d’humour et de satire. L’intrigue suit Jupiter, roi des dieux, qui décide de feindre un mariage avec Platée, une nymphe des marais à l’apparence grotesque, pour apaiser la jalousie de Junon, son épouse. Persuadée d’être aimée, Platée tombe dans le piège. Lors de la cérémonie, Junon, indignée par la supercherie, abandonne sa colère, et Platée est humiliée. Cet opéra parodique est un chef-d’œuvre de l’esprit baroque, créé en 1745 au château de Versailles. Certaines mauvaises langues ont d’ailleurs vu dans les traits de la grenouille une moquerie de Marie-Thérèse, future épouse du roi Louis XV !
Un opéra formidablement bien joué ce soir-là à Prague (avec un Marcel Beekman très convaincant en Platée). Autre fait agréable : chaque place de l’opéra est équipé d’écrans individuels, avec ce soir-là des sous-titres disponibles en français.

J’y retournerai le dernier soir de mon séjour à Prague, cette fois pour assister à un autre classique du répertoire de l’opéra : Nabucco.
Nabucco, opéra de Giuseppe Verdi, raconte l’histoire de Nabuchodonosor (Nabucco), roi de Babylone, et de son conflit avec le peuple hébreu en exil. L’intrigue mêle politique, amour et religion. Nabucco, pris de folie après s’être proclamé dieu, est trahi par sa fille ambitieuse, Abigaïlle, qui usurpe son trône. Alors qu’il retrouve sa raison, il se convertit au dieu des Hébreux et libère leur peuple. Dommage : cette fois, les sous-titres en italien ne sont pas disponibles (seulement en tchèque et en anglais), ce qui complique un peu le suivi du livret. J’ai été un peu moins impressionné par cette mise en scène (peut-être l’effet de l’enchaînement des opéras…), même si les chœurs verdiens du Va, pensiero restent toujours un moment qui prend aux tripes !
Le Théâtre des États : pour un Don Giovanni de circonstance
Deuxième étape de ce marathon des opéras à Prague : le Théâtre des États. Inauguré en 1783, à la même époque que le théâtre de la Scala à Milan (inauguré en 1778), c’est l’un des plus anciens théâtres d’Europe encore en activité. Construit à l’initiative du comte Nostitz, fervent mécène des arts, ce théâtre reflète l’élégance du style néo-classique avec sa façade sobre, ses colonnes corinthiennes et ses balcons décorés de motifs délicats.
Dès son ouverture, il devient un haut lieu de la vie culturelle praguoise. C’est ici que Wolfgang Amadeus Mozart dirigea personnellement la première mondiale de son Don Giovanni en 1787. Ce lien avec Mozart fait du Théâtre des États un symbole incontournable de l’histoire de l’opéra. Plus tard, il accueillit également des œuvres de figures emblématiques comme Ludwig van Beethoven et Carl Maria von Weber.
Le théâtre a traversé les époques sans perdre de sa splendeur. Sa salle, ornée de tons bleus et or, conserve un charme intemporel. Malgré les rénovations, le Théâtre des États de Prague est resté bien sûr fidèle à sa conception d’origine. On entendrait presque encore Mozart jouer !
Et justement, coup de chance : pendant mon séjour, le Théâtre des États de Prague joue Don Giovanni ! Un chef-d’œuvre dramatique qui mêle comédie et tragédie, rendu célèbre par son ouverture qui aurait été composée par Mozart le matin même de l’opéra (les musiciens découvrant la partition en direct)…
L’argument de Don Giovanni suit les aventures du célèbre séducteur Don Juan et de son valet Leporello. Après avoir tué le Commandeur lors d’une altercation, Don Giovanni continue de séduire et manipuler, provoquant la colère de ses victimes, dont Donna Anna, Donna Elvira, et Zerlina. Son arrogance le conduit à inviter la statue du Commandeur à dîner. Celle-ci s’anime et, en punition de ses péchés, entraîne Don Giovanni dans les flammes de l’enfer. Brrr, on en frissonne !

Le Théâtre National : pour un Šárka très local !
Dernière découverte du voyage, avec enfin le Théâtre National de Prague, le dernier grand opéra de Prague inauguré en 1881. C’est un théâtre très particulier pour les Praguois, car il incarne l’identité et la résilience tchèque. En effet, son édification a été financée par une grande souscription publique, à une époque où la nation tchèque est animée par un grand élan patriotique. La construction du Théâtre National était l’un des moyens d’affirmer une identité tchèque propre, affranchie de la culture allemande.
Conçu par l’architecte Josef Zítek dans un style néo-Renaissance, le bâtiment se distingue par sa façade richement ornée de sculptures et de fresques évoquant la mythologie et l’histoire tchèque. L’architecture n’a rien à voir avec le célèbre opéra de Sydney, bien plus moderne ! Parmi les moments historiques marquants, la première de l’opéra Libuše de Bedřich Smetana, conçu spécialement pour ce lieu, demeure une référence incontournable.
Un incendie dévastateur, survenu quelques mois seulement après son inauguration, aurait pu marquer la fin de ce rêve tchèque. Pourtant, la population de Prague se mobilisa à nouveau, et permit sa reconstruction rapide. En 1883, le théâtre rouvrit ses portes, plus majestueux encore.
Aujourd’hui encore, à l’intérieur de la grande salle, l’inscription Národ Sobĕ (« la Nation, à elle-même ») est toujours inscrite au-dessus de la scène, et fait écho à l’histoire rocambolesque du Théâtre National de Prague.

Aujourd’hui, le Théâtre National continue d’être un pilier de la scène culturelle praguoise. Le Théâtre National de Prague met notamment à l’honneur dans sa programmation les grandes œuvres du répertoire tchèque, parfois injustement méconnues en France.
J’aurais ainsi l’opportunité, durant mon séjour à Prague placé sous le signe de l’opéra, de découvrir Šárka, une œuvre du compositeur bohémien Zdeněk Fibich. Quelques heures plus tôt, j’avais pu voir sa tombe au cimetière de Vyšehrad, au sud de Prague, où repose aussi Antonín Dvořák.
Šárka, opéra de Zdeněk Fibich, s’inspire de la légende tchèque des guerres entre hommes et femmes. L’histoire suit Šárka, une héroïne rebelle, qui attire Ctirad, chef des guerriers, dans un piège mortel. Feignant l’amour, elle prétend être abandonnée par ses alliées et captive. Séduit, Ctirad tombe dans le piège et libère Šárka, qui l’enivre lui et ses compagnons. Lorsque les hommes s’endorment, Šárka appelle alors ses guerrières pour les massacrer…
Une belle découverte, d’une œuvre méconnue portée par une musique intense qu’on pourrait croire sortir tout droit de la BO d’un James Bond ! Et dans une mise en scène qui fait écho à la Guerre froide, et qui nous pourrait nous laissait croire qu’on se trouve dans les sous-sols des bunkers de la colline de Vítkov, l’un des secrets bien gardés de Prague…
Informations pratiques
- La programmation des trois opéras de Prague est très éclectique. Cette concurrence historique pousse chacun des opéras (qui dépendent en réalité de la même entité) à offrir des spectacles de qualité.
- Pour choisir sa place : la visibilité dans les théâtres à l’italienne est parfois réduite. Il vaut mieux être plus haut (dans les galeries) mais au premier rang. À l’Opéra d’État, la visibilité reste bonne dans les rangs reculés de la seconde galerie.
- Comment s’habiller : il n’y a pas de dress code strict, mais la majorité des Praguois viendront bien habillés. En particulier au Théâtre National, qui revêt une importance culturelle particulière.
- Les spectacles sont surtitrés en anglais (et en tchèque). À l’Opéra d’État, les surtitres sont affichés sur des écrans individuels très pratiques.
- Pour voir la programmation et réservez vos billets (à partir d’une quinzaine d’euros), consultez le site officiel des théâtres nationaux de Prague.



Cet article a été rédigé sur la base d’un voyage effectué en novembre 2024.
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