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Les bœufs tirants, un tournoi très guadeloupéen

Chaque année en Guadeloupe, après la saison cannière, les bœufs quittent les champs et deviennent les protagonistes de compétitions très spéciales…

Bœufs tirants en plein effort

Lors d’un voyage, il y a des choses qu’on ne prévoit pas, mais qui font toujours leur petit effet. Tomber sur une compétition de bœufs tirants au hasard d’une excursion en Guadeloupe en fait partie. C’est ainsi que je me suis retrouvé un peu malgré moi au beau milieu d’un tel tournoi, alors que j’arpentais les routes de Grande-Terre.

Comment s’en rend-on compte ? Grâce à la foule… Car l’événement s’avère être des plus populaires, à en croire l’interminable file de voitures garée le long de la petite route. L’arrêt s’imposait : effet bœuf garanti, bien sûr !

Les tournois de bœufs tirants, une tradition en Guadeloupe

Mais au fait, quel est le principe des compétitions de bœufs tirants en Guadeloupe (bèf tiwan, en créole) ? Une charrette chargée à bloc, tirée par deux bœufs, doit remonter le plus vite possible une colline labourée.

L’épreuve n’est pas anodine. Il s’agit en réalité de valoriser une race bovine locale : le bovin créole. La race est issue de cheptels ibériques ramenés sur l’île par les premiers colons espagnols et portugais. Les croisements successifs, notamment au cours du 18e siècle, ont fait le reste. Progressivement, cette race particulièrement adaptée au climat tropical, et résistante aux tiques, a pris une place importante dans l’agriculture guadeloupéenne.

Le bœuf créole, reconnaissable à sa bosse caractéristique, est rapidement devenu un précieux allié des agriculteurs en Guadeloupe ! Robuste, le bœuf créole a longtemps été indispensable dans les champs de canne à sucre, pour labourer les terres ou pour transporter la canne tout juste récoltée.

Dans les années 1970, l’idée est venue de mettre en valeur cette race bovine emblématique de la Guadeloupe. La très sérieuse Association de Sauvegarde des Bœufs Créoles (ASBC) a ainsi eu l’idée de ces tournois très spéciaux.

Une compétition aux règles très encadrées

Ne vous y trompez pas : les compétitions de bœufs tirants obéissent à des règles très strictes ! D’abord, les bœufs sont répartis en cinq catégories, du plus « costaud » au plus jeune.

La catégorie A, ou Élite, regroupe les bœufs expérimentés ayant déjà fait leurs preuves lors de précédentes compétitions. C’est la catégorie reine : les bœufs peuvent tirer jusqu’à deux tonnes ! Les catégories B et C rassemblent les bœufs un peu moins expérimentés, tractant des charges plus faibles, tandis que les catégories minime et cadette sont celles des jeunes bovins.

L’attelage est composé de deux bœufs, et d’une charrette dont le poids de charge dépend de la catégorie de la compétition. À la manœuvre, un équipage de trois personnes : le chauffeur, et deux « koreurs ». Les koreurs sont les assistants du chauffeur. Ils se tiennent à l’arrière de la charrette, prêts à en descendre pour bloquer les roues de la charrette lorsqu’elle stoppe sa progression dans la pente.

La piste fait généralement une centaine de mètres, avec un dénivelé important. Pour compliquer le tout, le terrain est labouré. Le chauffeur doit relier l’arrivée en moins de 6 minutes et avec un maximum de 12 coups de fouet. Au-delà, l’attelage risque d’être disqualifié ! Des juges-arbitres s’assurent du respect des règles tout le long du parcours, et du chronométrage de l’épreuve.

Par ailleurs, le parcours est délimité par des piquets régulièrement espacés. Si l’attelage se décale trop sur les côtés et heurte un piquet, le chauffeur doit descendre et frapper le piquet d’un coup de masse avant de repartir. Un sérieux coup dur pour le chronomètre, qui fait s’envoler les chances de victoire.

Parcours d'une compétition
Le parcours est une piste labourée d’une centaine de mètres, généralement en forte pente

Plus qu’une compétition, une fête populaire

Véritable lieu de mise en valeur d’un patrimoine agricole local, les compétitions de bœufs tirants sont avant tout une grande fête populaire en Guadeloupe. Tout est fait pour accueillir une foule importante. De grandes tentes abritent des stands de restauration sur place. Et bien sûr, sono géante !

Il est possible de s’approcher aux plus près des attelages, de quoi percevoir l’impressionnante force des bœufs tirants. La meilleure place pour le spectacle se situe évidemment dans la côte, au plus fort du dénivelé. Il faut bien avouer qu’on fait parfois un peu pâle figure face au souffle des bœufs tirants en plein effort, qui vous frôlent de quelques dizaines de centimètres…

Les tournois ont généralement lieu autour du deuxième semestre (de juillet à décembre), hors de la saison cannière. La plupart des villages organisent leur propre compétition, un motif de fierté pour les habitants locaux. Avis aux amateurs : les épreuves ne sont parfois commentées qu’en créole…

L’info en plus de Christophe : D’autres versions existent en Guadeloupe : par exemple, les tournois de cabris tirants (kabwi tiwan, en créole) !

Informations pratiques

  • Les compétitions de bœufs tirants sont accessibles librement, et ont lieu principalement les dimanches de juillet à décembre. Parfois chaque semaine sur l’île au plus fort de la saison.
  • Si vous ne souhaitez pas laisser faire le hasard, rapprochez-vous d’un office de tourisme en Guadeloupe (par exemple, l’office du tourisme du Nord Guadeloupe). Ils devraient être au courant des tournois prévus lors de votre voyage.

Cet article a été rédigé sur la base d’un voyage effectué en août 2022.

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